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Une deuxième guerre en Europe ?

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Ça n’en finira donc jamais !

Ces derniers jours, j’ai reçu des informations selon lesquelles la contre-offensive ukrainienne s’intensifiait. 

Toute la semaine dernière, des positions tenues par les Russes seraient tombées. 

L’armée ukrainienne aurait repris une grande partie du nord-est, dans la région de Kharkiv. Certains parlent déjà d’une reprise à venir de Kherson. 

Toujours selon la même source, le moral des troupes russes serait au plus bas et les désertions se multiplieraient

Côté russe, on affirme que c’est un regroupement stratégique qui a lieu : l’armée russe se regrouperait autour de Donetsk à dessein, pas parce que c’est la débandade. 

Je vais vous donner mon sentiment et rien de plus, car dans cette guerre tout est opaque, difficile à lire, et la désinformation joue à plein dans les deux camps : 

Je pense effectivement que la Russie est en difficulté, mais ces inversions systématiques de narratif me fatiguent

Un jour l’Ukraine est au bord de l’annexion totale, le lendemain c’est la déroute côté russe… Le seul rapport de force que nous indiquent ces narratifs, c’est celui de la communication d’influence. On ne sait rien du front. 

Mais attendez, la situation se complique encore en Europe : une deuxième guerre se tramerait, pas très loin de la première… 

Une guerre entre deux pays qui appartiennent à la même alliance militaire, l’OTAN. 

La Grèce sonne l’alarme

Vous savez sûrement que les relations entre Turquie et Grèce sont pour le moins fluctuantes

Depuis plusieurs mois, les deux pays organisent des exercices de guerre dirigés l’un contre l’autre, violent mutuellement leurs frontières respectives avec des navires de guerre et avions de chasse…

Et la semaine dernière, la tension est montée d’un cran.

D’abord, le président Erdogan a accusé la Grèce d’avoir visé des avions turcs avec ses systèmes de défense aérienne. Ensuite, il a précisé la menace : 

« Si vous allez trop loin, le prix à payer sera lourd (…). Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit ».

Pas vraiment un recadrage amical, donc. Mais ça ne s’arrête pas là. Un autre élément du discours d’Erdogan a bien pété l’ambiance : 

 « Grèce, regarde l’histoire, remonte le temps. Nous n’avons qu’une chose à dire : souviens-toi d’Izmir ».

Izmir, avant de s’appeler comme ça, s’appelait Smyrne et était largement peuplée par des Grecs… puis la Turquie l’a reconquise durant la seconde guerre gréco-turque, provoquant le massacre et l’exode des grecs d’Asie Mineure. 

Vous vous en doutez, côté grec cet épisode est un traumatisme encore vif… alors le discours d’Erdogan passe très, très mal. 

Le ministre grec des Affaires Étrangères a alerté l’UE, l’OTAN et l’ONU de l’imminence d’une guerre s’il n’y avait pas de frein rapide et majeur à l’attitude agressive de la Turquie : « nous risquons d’assister à une situation similaire à ce qui se passe ailleurs sur notre continent ».

Bonjour l’ambiance.

Pourquoi ça arrive maintenant ?

D’abord, vous le savez, ça n’est la fête ni en Turquie ni en Grèce. 

Économiquement, la Grèce continue de sombrer et souffre comme le reste de l’Europe. Le Premier ministre grec est dans une position délicate suite au scandale des écoutes (un genre de Watergate grec), ce qui n’arrange rien…

Chez les Turcs, Erdogan doit gérer le mécontentement croissant d’une population appauvrie à l’extrême par l’inflation et la dévaluation spectaculaire de la Lire… 

En bref, ça ne fait de mal à personne de trouver un bouc émissaire de l’autre côté de la mer. 

Surtout que la discorde ne date pas d’hier : la Turquie souhaite depuis longtemps revenir sur les traités de Sèvres (1920) puis de Lausanne (1923) qui fixent la démarcation entre Grèce et Turquie en mer Égée. 

La politique expansionniste d’Erdogan n’est pas différente des velléités russes ou chinoises à l’endroit de l’Ukraine, des îles Kouriles, de Taïwan…

À mesure que le bloc occidental décline, ces puissances « illibérales » comme on dit (l’appellation se discute) cherchent peu à peu à réécrire l’Histoire… car nous ne sommes plus le phare du monde et ils l’ont bien compris.

La Turquie, d’ailleurs, devient un acteur géopolitique majeur. Malgré son économie exsangue, elle joue un rôle de premier plan dans la médiation entre OTAN et Russie : c’est notamment grâce à elle que les navires céréaliers peuvent traverser la Mer Noire.

Aujourd’hui, elle est le seul membre de l’OTAN à toujours discuter avec Poutine… et c’est elle qui produit les fameux drones de combat qui ont permis à l’Ukraine d’infliger de sérieux dégâts à l’armée russe. 

Une puissance avec laquelle il faut compter, donc, et qui ne risque pas de se laisser intimider par la Grèce toute seule.

D’autant que les deux pays ont rejoint l’OTAN en 1952, ce qui crée une situation ultra ambiguë pour les autres pays de l’alliance. 

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Le VRAI nerf de la guerre

Maintenant que vous avez le contexte, voici ce qui vous manque pour comprendre ce qui met vraiment le feu aux poudres : 

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Eh oui… que la Grèce ait militarisé quelques îles près des côtes turques, ça agaçait déjà la Turquie, car ça n’est pas conforme aux traités de paix qui unissent les deux pays.

Mais que des gisements massifs d’hydrocarbures lui passent sous le nez à cause d’un découpage frontalier qu’elle contestait déjà avant, c’est hors de question.

Surtout dans le contexte actuel de crise énergétique : ces gisements ont une valeur inestimable… Et la Turquie les revendique depuis 2020. 

Que va-t-il se passer ensuite ?

Vous connaissez ma réponse : je n’ai pas de boule de cristal.

Cela étant, un blocus naval est à craindre, a minima. 

La situation économique et politique mondiale est tellement tendue que tous les débordements sont envisageables… 

Mais précisément parce qu’elle est si critique, Grecs et Turcs ne peuvent pas se permettre de rajouter une nouvelle guerre au nombre de leurs épreuves. 

Pas pour l’instant.

Le ton monte, aussi, pour faire oublier les problèmes domestiques… mais il faudra du temps pour que ça parte en vrille dans le réel.

En revanche, ce nouveau foyer de tensions confirme la tendance des derniers mois : la géopolitique de crise fait son grand retour, les équilibres sont rompus

Pour une fois je suis d’accord avec Macron : « Le temps où nous pouvions espérer tirer les dividendes de la paix est révolu ».

Qui est Marc Schneider ?

Marc Schneider est le fondateur d’Argo Éditions, une entreprise d’édition financière et de recherche en investissement. Sa newsletter gratuite réunit chaque semaine plus de 60 000 lecteurs. 

Ancien Risk Manager, Marc aide ses lecteurs à comprendre les rouages de l’investissement en bourse et en cryptomonnaies pour prendre en main leur avenir financier. 

Sa newsletter traite de sujets variés : nouvelles technologies, cryptomonnaies, psychologie de l’investissement ou encore géopolitique… avec un dénominateur commun : comprendre le monde qui nous entoure pour mieux gérer ses finances

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Jérôme
Jérôme
1 année il y a

Les droits de l’homme n’ont pas prévu le jeu de celui qui pisserait le plus loin… L’humanité est une tragédie !

Jérôme
Jérôme
1 année il y a

Les droits de l’homme n’ont pas prévu le jeu de celui qui pisserait le plus loin… Rendons grâce à tous ses gouvernants un peu fous qui font de l’humanité une tragédie.

Maria William
Maria William
1 année il y a

Que penser d’Erdogan qui d’un côté discute avec Poutine et de l’autre fournit des drones à l’Ukraine???

Garouda Hanouman
Garouda Hanouman
1 année il y a
Répondre à  Maria William

Erdogan ne pense qu’à l’intérêt de son pays, le sociopathe déviant national devrait en prendre de la graine. Et s’il parle de négociations de paix, c’est surtout parce qu’il veut arrêter la progression russe avant sa hantise, la prise d’Odessa, qui donnerait aux Russes un large contrôle de la Mer Noire.

Lou Elastic
Lou Elastic
1 année il y a

La terre est devenue un billard (américain) pour les coups les plus tordus à bandes multiples. Mais le but du jeu est toujours le même… C’est de maintenir les populations dans la peur du lendemain pour qu’elles acceptent tout sans broncher .

billard_terre.jpg
Thomas Savary
1 année il y a

Merci pour cet article aussi passionnant qu’inquiétant… Le naturel du correcteur que je suis reprend cependant le dessus : merci de ne pas contribuer à la mode ridicule de l’emploi erroné d’« a minima » en lieu et place d’« au moins », d’« à tout le moins », d’« au minimum », presque à contresens : https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2017/08/24/a-minima-laffiquet-des-pedants/.

(Et si vous pouviez corriger un maximum de gens autour de vous, ce serait bien, vu l’extension prise par cet emploi abusif^.)

Dernière modification le 1 année il y a par Thomas Savary
Garouda Hanouman
Garouda Hanouman
1 année il y a
Répondre à  Thomas Savary

C’est bien vu, il y a d’autres mots utilisés ces jours-ci pour se donner l’air d’avoir l’air…
Ce sont en fait des anglicismes :
narratif–> récit;
attrition : guerre d’attrition –> guerre d’usure;
opératif –> opérationnel.

Vauban
Vauban
1 année il y a

La Lire c était en Italie… ce sera peut être bientôt son retour, mais en Turquie c’est la Livre! Pas de quoi Remi ;-D

Garouda Hanouman
Garouda Hanouman
1 année il y a
Répondre à  Vauban

Rémi a tout autant raison, c’est un peu comme si je disais, la livre. c’est en Grande-Bretagne…
En fait les deux, Lire et Livre sont utilisés, et en turc, c’est lire… Türk lirası 

Pas de quoi… ;-)))

Olivier
Olivier
1 année il y a

Deuxième quille qui tombe, on se demande quelles seront les prochaines ?

Chpassaiparla
Chpassaiparla
1 année il y a

Pourtant on nous a bien dit et redit : « L’Europe, c’est la paix ! ». On nous aurait menti ?

calvet
calvet
1 année il y a

Malheureusement, les hommes au pouvoir ont tous le même défaut :ils se croient investi par une volonté divine et s’octroient toujours plus droits et s’assoient sur les devoirs. Ils oublient surtout que si les mensonges prennent l’ascenseur la vérité arrive par l’escalier; et, donc plus le piedestal est haut plus dure est la chute.

Arthur
Arthur
1 année il y a

Quand il y a le feu dans un bordel, c’est toujours la débandade.

Merry
1 année il y a

Tout ce qu’il se passe dans ce monde de fou.. Ce n’est que Argent, Puissance! Comment ose-t’on s’appeller « Humain » Alors que tant de gens meurt pour cause « D’argent Fictif »! Triste monde!

Philippe T
Philippe T
1 année il y a

Vous avez oublié la guerre en ARMENIE bientot l’empire Ottoman Turc,l’empire Perse Iran a coté de cela l’empire russe ce n’est rien et les Européens regarderons leur bout du nez. Les americains les bellisistes commerciales gerent tous ces conflits et souhaitent en rajouter Taiwan mais attention ils ont peur des Chinois

ménérick d'estroy
ménérick d'estroy
1 année il y a

Youpi, j’ai parié Turquie-Grèce… gagné !…
On s’amuse comme on peut au Macronistan!

ménérick d'estroy
ménérick d'estroy
1 année il y a

Notez, qu’historiquement les USA n’ont jamais respecté quelques traités… près de 400 avec les Amérindiens, tous bafoués… il en est de même avec l’extension de l’Otan depuis 1994, donc, pourquoi continuer à les croire… la naïveté peut-être…
Après tout seul mon pays m’intéresse, et nous n’avons aucun intérêts en Ukraine…

Rubisfrog
Rubisfrog
1 année il y a

Ce texte ne contient pas la phrase  » les velleités expansionistses des resistants français pendant l’occupation allemande … », heureusement car cela aurait choqué beaucoup de monde, à juste titre.

Rubisfrog
Rubisfrog
1 année il y a

Toutes ces actions semblent contradictoires et insensées, mais, elles convergentent toutes vers la réduction de la population : tuer des être humain. Serait-ce là la cohérence de toutes ces acteurs ? Sont-ils des etre humain eux-mêmes ou en ont-ils juste l’apparence ? Leur inhumanité trahirait-elle le fait qu’ils ne sont pas des etre humains ?

Garouda Hanouman
Garouda Hanouman
1 année il y a

Croire que la Russie est en difficulté, c’est réagir au premier degré. C’est ce que j’ai fait dès les jours qui ont suivi la prise de Lisichansk. Puis je me suis dit que ce n’était pas possible, et je crois avoir compris. Les Russes ont fait du sur place, soit reculaient. En reculant ils créaient des poches de feu attirant les unités ukrainiennes en pleine steppe pour mieux les détruire. C’est un de leurs objectifs, anihiler l’armée ukrainienne. Contrairement aux Ukrainiens, les Russes n’ont jamais mis leurs hommes en danger pour s’accrocher à un bout de terrain. Quel est leur but, l’Ukraine? Non, l’occident collectif. Au plus le temps passe, au plus la situation économique s’agrave et au plus l’occident vide ses stocks pour fournir des armes à l’Ukraine. Les Russes se sont empressés d’envoyer en l’air le matériel ukrainien qu’ils connaissent par coeur (sauf les T64BV mis aux normes OTAN qu’ils ont récupérés pour analyse) afin de se mesurer au matériel OTAN sans être en guerre avec eux. J’ai commencé à comprendre en lisant le rapport de la Rand Corporation de mars 2019 « Extending Russia ». Extending n’est pas facile à traduire en français, cela veut dire amener à s’engager au-delà de ses moyens. Poutine est en train d’en écrire sa version : »Extending the Collective West ». Si la Russie change ses plans et nomme un chef unique pour le secteur ukrainien. le général Sourovikine, c’est parce que désormais, ils se doivent de protéger les populations des nouvelles régions, de plus, il est de plus en plus clair qu’ils se battent non plus contre l’Ukraine, mais contre l’OTAN. On peut s’attendre à un coup d’épaule vers la fin novembre…

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