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La France, leader des restitutions de biens culturels ?

Bénin

Crédits photo : Shutterstock

Du 20 février au 22 mai, le palais présidentiel de la Marina à Cotonou a hébergé une exposition dont les pièces phares étaient 26 biens culturels rendus au Bénin par la France en 2021. 

Cette démarche est présentée comme la preuve de la volonté française de restituer les biens culturels en sa possession aux anciens pays colonisés. 

Or, ce n’est pas si simple que cela…

AFRIKAFUN – Image composée à partir des photos : Trône d’apparat du roi Ghézo © Patrick Griès et Malaïka Dotou Sankofa #4 © Laeïla Adjovi/ Loïc Hoquet

Rappel des faits

Tout commence en 2016 lorsque Aurélien Agbénonci, le ministre des Affaires étrangères béninois, adresse la première demande officielle de restitution de biens culturels à la France. 

Si elle est rejetée dans un premier temps, les choses changent en 2017 quand Emmanuel Macron déclare que la reconnaissance et la réparation des torts causés durant la colonisation feront partie des préoccupations majeures de son quinquennat.

Le président commande alors ce qui deviendra le rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine culturel africain. Rendu fin 2018, ce rapport connaît un fort retentissement à l’international et propulse la France à l’avant-garde de la réparation des crimes coloniaux. Les auteurs, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, sont même classés parmi les 100 personnes les plus influentes de 2021 par le Time Magazine.

Réinventer l’eau chaude

Or, le renvoi de 26 biens culturels au Bénin ressemble plus à un “coup de com’ “ qu’à une réelle volonté de restitution. 

Rien qu’au Musée du Quai Branly, il y aurait plus de 6 000 objets béninois… Pourquoi, alors, en renvoyer si peu ?

La question législative interpelle également. Selon le droit français, les collections publiques, c’est-à-dire appartenant à l’Etat, sont inaliénables… Leur contenu ne peut donc être ni cédé, ni vendu, ni restitué. Afin de contourner le problème, le parlement français a voté le 24 décembre 2020 une loi spéciale autorisant la restitution des 26 biens culturels au Bénin…

Ce qu’il avait déjà été fait en 2002 sous Jacques Chirac pour remettre les restes de Saartjie Baartman, la « Vénus hottentote », à l’Afrique du Sud…

Et à nouveau en 2006, cette fois sous Nicolas Sarkozy, afin de restituer des têtes maories à la Nouvelle-Zélande…

Rien d’inédit, donc.

Soigner le fond mais pas la forme

Si la volonté d’Emmanuel Macron était de restituer massivement les biens culturels, pourquoi avoir encore recours à une loi spéciale ? Pourquoi ne pas lancer une réflexion sur l’inaliénabilité des collections publiques ?

De plus, pourquoi commander un rapport qui porte uniquement sur les restitutions aux pays de l’Afrique subsaharienne ? Qu’en est-il des autres anciennes colonies situées au Maghreb, en Asie, aux Amériques ? Ou encore des biens culturels kanaks, polynésiens, antillais, pour ne citer qu’eux ?

Et les questions pourraient s’égrener encore et encore : que faire quand les biens culturels appartiennent à un peuple réparti aujourd’hui entre plusieurs états ? Faut-il attendre des demandes officielles de restitutions ou tout rendre sans attendre ? Qu’en est-il des prises de guerre qui ne relèvent pas de la colonisation, telles que les œuvres ramenées d’Italie par Napoléon ?  

Autant de questions aujourd’hui sans réponse. Pour que les peuples puissent disposer de leurs biens culturels, il semble donc important qu’une large réflexion soit menée et qu’un cadre légal encadre les futures restitutions. Reste à voir comment ce projet se poursuit pendant ce second quinquennat…

L’exposition Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui sera prolongée au palais de la Marina à Cotonou à partir du 15 juillet 2022

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