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L’actualité… les mensonges en moins

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Le club des abstentionnistes anonymes

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Crédits photo : Shutterstock

Extrait de l’article Le club des abstentionnistes anonymes de Marion Messina paru dans le Juste Mensuel n°5 (Avril 2022)

Le jour de mon dix-huitième anniversaire, je suis allée donner mon sang. Non pas que je sois une sainte (Dieu m’en garde), mais dans mon esprit, après des années de cours d’éducation civique, l’entrée dans l’âge adulte s’accompagnait de deux rituels : le don du sang et le vote – actes qui collaient parfaitement à une époque piquée de sacrificiel facile. J’ai voté pour la première fois aux élections municipales de 2008 avec un enthousiasme débordant et insupportable pour les vieux électeurs qui en ont été éclaboussés dans la petite salle de quartier. J’ai glissé mon bulletin dans l’urne avec émotion. Au second tour, j’ai trouvé l’exercice nettement plus procédurier. Aux élections de 2012, j’ai préféré me promener. C’était un superbe dimanche de printemps et j’ai oublié, de bonne foi, que le premier tour de l’élection se tenait séance tenante. Que s’est-il passé pour que j’oublie un moment censé être si important pour la santé démocratique du pays ? Que s’est-il passé en quatre ans seulement, pour passer de la trépignation à l’indifférence ?

Il me semble que l’indifférence aurait dû être mon état habituel face à la perspective de voter, s’il n’y avait eu le rabâchage de mes professeurs pour transformer ce moment anodin en rituel de passage. Depuis mon enfance, sur les écrans de télévision et derrière les micros des principales stations de radio, défilait un cortège sinistre de politiciens de métier – tantôt du RPR (puis de l’UMP, de LR enfin) et du PS ; parfois, on s’agitait en prononçant le nom interdit de Jean-Marie Le Pen. Les hommes (et de très rares femmes) en gris répétaient en boucle des phrases un peu creuses et leur projet pour la France semblait émaner d’un cabinet d’experts comptables. Il fallait « réduire les dépenses », « augmenter le pouvoir d’achat », « rendre les Français fiers d’eux-mêmes » (pour la droite, sans qu’elle n’eut pu dire comment, en-dehors des incantations – fallait-il allouer davantage de moyens à la restauration et à la sauvegarde du patrimoine ? Renforcer les programmes scolaires en Histoire de France ? Désengorger les grandes villes pour faire vivre de superbes terroirs à l’agonie ? Repenser sa présence au sein de l’Union européenne ? Refuser la monnaie communautaire ? Non. Bien sûr que non ; du haut de mes cinq ou six ans je sentais déjà que tout cela n’était que mensonge, que la France ne leur était pas plus chère qu’à leurs opposants politiques, que personne n’en avait plus rien à foutre, qu’il s’agissait d’un tiroir caisse à gérer, d’un navire à piller avant de sauter sur un canot de sauvetage).

Il me semblait que les choses à faire pour faire avancer le pays étaient sues de tous. Je pouvais même en entendre quelques-unes dans les repas de famille – et je n’ai pas grandi au milieu de politologues. Dans les années 90, même les femmes de ménage impliquées dans la scolarité de leurs bambins étaient bien chagrines face à la dégradation des enseignements et la fameuse baisse du niveau – celle qui n’existe toujours pas officiellement

La conquête (2011) de Xavier Durringer narre l’ascension de Nicolas Sarkozy, de sa nomination au ministère de l’Intérieur par Jacques Chirac, à son élection à la présidence de la République en 2007. J’ai longtemps hésité avant d’intégrer ce film à cet article dans la mesure où, cinématographiquement parlant, le film n’est pas réussi. Le principal problème émane du choix d’incarner au plus proche du réel les acteurs de cette conquête. Il en résulte un exercice d’imitation parfois drôle, souvent pénible, et une succession de joutes verbales entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, etc., le tout entrecoupé du drame intime que se veut être la séparation entre Nicolas Sarkozy et sa femme Cécilia, flirtant parfois dangereusement avec le ridicule et l’emphase. « Tu pars sur un coup de tête ! » assène le futur président à son épouse, « Non, je pars sur un coup de cœur ! » lui répond-elle dans une scène de dispute dispensable. La conquête semble se rêver en grand biopic politique mais il n’en est finalement rien. 

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Génovésio
Génovésio
1 année il y a

Bonjour, j’ai juste une question, le parti des abstentionnistes étant majoritaire en France et ayant laissé la porte ouverte au président, êtes vous satisfaits de la politique actuelle de notre président ??

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