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Bertrand Scholler : « Ukraine : géopolitique de la grenouille et du scorpion »

Bertrand Scholler revient sur la fable de la grenouille dans un contexte géopolitique Russie-Ukraine complexe.
Scholler - Russie Ukraine

Crédits photo : Shutterstock

Souvent quand je trouve qu’une personne agit irrationnellement au point de mettre des vies en danger, y compris la sienne, je lui demande si cela est bien sa nature. Puis je lui raconte l’histoire de la grenouille et du scorpion.

C’est une fable d’origine russe, popularisée par Orson Welles, dans laquelle un scorpion demande à une grenouille de le transporter sur l’autre rive d’une rivière. D’abord effrayée par son aiguillon venimeux, la grenouille accepte, en pensant que si le scorpion la piquait ils périraient tous deux. Au milieu de la rivière, pourtant, le scorpion la pique mortellement. Lorsque la grenouille demande au scorpion la raison de son geste, ce dernier répond  : « C’est dans ma nature ».

Cette fable illustre bien le fait que certains comportements sont irrépressibles, indépendamment de leurs conséquences. On ne peut changer les gens quant à leur nature profonde ou de celle qui grandit en eux.

De la fable à la géopolitique

À l’échelle des états, un parallèle est envisageable. Je pense, en particulier, aux sanctions que les USA et l’UE ont prises contre la Russie, et imposées au monde entier. Ces sanctions avaient pour objectif, en tout cas selon leurs prescripteurs, de détruire la Russie. Ce que l’on constate, c’est l’effet « scorpion » qui inexorablement empoisonne l’UE elle-même, à petits feux. Pire, cela se déroule sans parvenir, pour le moment, à l’objectif initial que la Russie se disloque, ou que Poutine perde le soutien populaire.

Pendant ce temps, les USA eux s’enrichissent massivement en vendant leur gaz de schiste et leurs armes, en dépouillant l’industrie allemande, et tout cela en maintenant une diplomatie de fer sur une grande partie du monde. Ils réussissent également à déplafonner sans cesse leur dette de plus de 31 000 milliards de dollars, sans faire exploser la bulle et la pyramide de Ponzi du billet vert tant redoutés par beaucoup depuis longtemps. Néanmoins, en leur sein, les conséquences de cette dette, de la culture woke et de la corruption semblent si profondes que leur guerre hybride contre les peuples de l’UE, de Russie et de Chine qui sait un jour, ne pourra pas sauver le pays de l’Oncle Sam éternellement. Les Américains en ont bien conscience mais ne savent pas encore comment s’en tirer, ce qui est le pire pour un scorpion, car alors, dans la panique il pique tout, y compris lui-même.

En face, un mystère demeure. Qu’est-ce qui peut expliquer l’attitude très calme et conciliante des Russes mais également des Chinois, vis-à-vis des USA et de l’UE ? Tout d’abord, il faut rappeler que les Russes veulent absolument éviter le point de non-retour, l’apocalypse d’une nouvelle guerre mondiale. Ces derniers connaissent la fable, elle est née chez eux après la révolution d’Octobre. Ils savent combien le danger est partout. Depuis 20 ans, les Russes ont essayé de traiter raisonnablement avec des partenaires qui, eux, n’ont cessé d’agir de façon cynique et sournoise. On pourrait résumer cela en parlant de la politique du double standard, ce qui est valable pour l’Occident ne l’est pas forcément pour les Russes ET les contrats n’engagent que ceux qui les croient… ce qui est un souvenir douloureux pour les Indiens d’Amérique et pour Gorbatchev, mais également pour les Afghans et peut-être bientôt pour les Ukrainiens et les Européens ?

Pour les Russes, le constat est clair : l’OTAN n’a jamais arrêté d’avancer vers l’Est et également au Sud et au Nord, pour encercler leur pays, immense puissance nucléaire, à la géographie gigantesque entre l’Europe et l’Asie, regorgeant de ressources, d’ingénieurs et de peuples capables de cohabiter ensemble, dans le respect de leur foi, tous unis sous une même bannière. Mais désormais, la menace est devenue existentielle. Au cours des 10 dernières années, avec la crise de Maïdan (Kiev, Ukraine, 2014) et la réintégration par référendum de la Crimée au sein de la Russie, puis de la guerre en Syrie et enfin l’opération spéciale russe en Ukraine, l’Occident a tout essayé pour terrasser de l’extérieur ou déstabiliser de l’intérieur l’ours russe, y compris en provoquant des étincelles comme lorsqu’un chasseur russe a été abattu par un chasseur turc de l’Otan qui avait décollé d’Incirlik, avec l’objectif d’attiser les tensions internes au pouvoir russe. Mais ils n’y sont pas parvenus, au contraire, et ils doivent regretter amèrement depuis de ne pas avoir fini ce job lors des années Eltsine, qui était lui, plus grenouille qu’ours.

Néanmoins, l’objectif du nouvel ordre mondial, cher à tous les dirigeants occidentaux et au World Economic Forum de Davos (qui représente surtout les acteurs économiques et financiers, y compris BlackRock et Vanguard) reste de parvenir à un gouvernement unique, un marché unique et une monnaie unique. La Russie barre le chemin d’un tel projet, la Chine également et de plus en plus de pays se joignent à ce mouvement, notamment au sein des BRICS. Pourtant, l’agenda 2030 reste le même y compris pour l’ONU, pour l’instant… 

Le Banquet numéro 5
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