« Breakeven Effect » : pourquoi les gens parient leur alliance au poker
Toutes les semaines, Juste Milieu accueille de nouvelles plumes. Auteurs, experts, citoyens engagés… On vous laisse la parole pour réfléchir encore un peu plus !
La semaine dernière, je vous ai parlé du House Money Effect.
Rappelez-vous : si vous gagnez de l’argent trop vite ou trop facilement (par exemple au casino, ou en Bourse), vous n’allez pas lui attribuer la même valeur que l’argent que vous gagnez « normalement » – comme votre salaire par exemple.
Avec cet argent “facile”, vous êtes plus enclin à prendre des risques… parfois inconsidérés.
Typiquement, c’est le cas de figure où, sur un premier investissement boursier, un débutant va doubler sa mise… et la réinvestir un peu au hasard, jusqu’à tout perdre.
Comme si l’argent gagné trop vite ne méritait pas qu’on y fasse attention.
Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un autre biais cognitif semblable au House Money… son corollaire, en quelque sorte – mais dont les conséquences peuvent être encore plus dommageables.
Les maniaques du pari
Pour vous expliquer ce qu’est le Breakeven Effect, je vais vous décrire une petite expérience…
On fait jouer les participants à des jeux de hasard. Certains gagnent 30 €.
On propose 2 options aux joueurs qui viennent de gagner 30 € :
1 – ils tirent à pile ou face. Si c’est pile, ils gagnent 9 €, si c’est face, ils perdent 9 € ;
2 – ils ne jouent pas l’argent gagné.
Dans les deux cas, « l’espérance de gain » est de zéro : 9-9 = 0, et ne pas jouer = 0.
On pourrait penser, comme l’être humain a une aversion naturelle pour le risque, que la plupart ne joue pas. Mais rappelez-vous du House Money Effect : c’est de l’argent gagné…
70 % des gens décident de parier. Et de s’exposer au risque de perdre…
La même expérience est répétée une seconde fois, mais cette fois les participants ont perdu 30 €. On leur propose les mêmes options : pile ou face avec 9 € à gagner ou perdre, ou alors ne pas jouer.
Il n’y a plus d’argent gagné facilement.
60 % des gens ne parient pas, ce qui est « plus conforme » à la nature humaine.
On mène alors une troisième expérience de ce genre. Les participants ont perdu 30 €.
On leur propose :
1 – de parier à un jeu où ils ont 33 % de chance de gagner 30 € et 67 % de chance de ne rien gagner ;
2 – de leur donner 10 €.
Ici, on se dit qu’un gain certain de 10 € et plus désirable qu’un gain de 30 € qui n’a qu’une chance sur trois de se réaliser.
La certitude de gagner vaut bien la différence de gain, surtout que l’aversion au risque devrait nous détourner de l’option 1…
Et pourtant, vous me voyez venir : 60 % des participants ont choisi l’option 1.
La première expérience témoigne du House Money Effect. Et la troisième témoigne plutôt de son « double inversé », le Breakeven Effect.
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Le Breakeven Effect ou comment vous couler tout seul
Le Breakeven Effect pousse les gens qui ont perdu de l’argent à cumuler les risques, pourvu qu’ils aient une petite chance de récupérer ce qu’ils ont perdu le plus rapidement possible.
En bref : c’est l’effet « je parie mon alliance au poker ».
Tous les gens qui ont déjà perdu de l’argent, et qui sont prêts à miser quitte ou double, ont connu ce Breakeven Effect.
C’est à cause de ce biais psychologique que les personnes surendettées, prises à la gorge, cumulent les mauvaises décisions, et finissent par alourdir le poids de leur dette en ayant voulu bien faire.
Comme si, une fois dans la m***e, l’aversion au risque disparaissait.
Mais pourquoi ?
C’est de la myopie décisionnelle
La douleur immédiate d’une dette ou d’un échec est insupportable.
La perspective de gommer cette dette d’un seul coup est une bouffée d’oxygène.
C’est tout.
Quand vous êtes écrasé par le poids d’une dette, vous n’avez pas vraiment le luxe de voir au loin.
Vous êtes piégé par la myopie décisionnelle : vous voyez la possibilité, même statistiquement insignifiante, de vous sauver.
Vous êtes, de toute façon, déjà dans une situation dommageable.
Alors, « foutu pour foutu »… autant vous payer une bouffée d’oxygène !
C’est ça, le « carburant » du Breakeven Effect. L’impression d’être au pied du mur.
Le sentiment que, dans tous les cas, une dette impossible à rembourser peut être de 1 000 ou de 10 000, ça ne change rien.
Comment combattre le Breakeven Effect ?
Vous l’avez compris, c’est un biais cognitif qui apparaît sur un terreau de stress et de désespoir.
Donc mon premier conseil, évidemment, c’est de ne pas laisser la situation vous échapper.
Prenez vos pertes, prenez vos responsabilités.
Coupez une position pourrie quand vous n’avez pas tout perdu, remboursez votre dette au lieu de la démultiplier en essayant de l’annuler.
Ensuite, ne mélangez pas émotion et décision.
Le Breakeven Effect apparaît quand on laisse les émotions s’immiscer dans le processus décisionnel. Et la meilleure façon de garder les émotions à distance, c’est de ne pas jouer sa peau sur chaque investissement… D’où un conseil que je répète souvent, ne misez que de l’argent que vous pouvez perdre à 100 % sans que cela vous mette en danger, vous ou vos proches.
D’une manière générale, suivez une stratégie prédéfinie pour éviter que l’espace libre laissé par le manque de discipline fasse émerger des stratagèmes pollués par vos émotions.
Qui est Marc Schneider ?
Marc Schneider est le fondateur d’Argo Éditions, une entreprise d’édition financière et de recherche en investissement. Sa newsletter gratuite réunit chaque semaine plus de 60 000 lecteurs.
Ancien Risk Manager, Marc aide ses lecteurs à comprendre les rouages de l’investissement en bourse et en cryptomonnaies pour prendre en main leur avenir financier.
Sa newsletter traite de sujets variés : nouvelles technologies, cryptomonnaies, psychologie de l’investissement ou encore géopolitique… avec un dénominateur commun : comprendre le monde qui nous entoure pour mieux gérer ses finances.
Qu’est-ce que ça vient faire ici ?… Faut arrêter avec ça !