Une blockchain pour les gouverner toutes
Toutes les semaines, Juste Milieu accueille de nouvelles plumes. Auteurs, experts, citoyens engagés… On vous laisse la parole pour réfléchir encore un peu plus !
La blockchain, outil du totalitarisme ?
Si vous avez lu 1984 de George Orwell au collège, à l’âge encore impressionnable de 13 ou 14 ans…
… vous avez peut-être gardé une terreur sourde pour toute forme d’autoritarisme, surtout quand on le grime avec les oripeaux du progrès.
L’article d’aujourd’hui traite justement du cheval de Troie qui nous arrive dessus.
Un cheval de Troie qu’il est essentiel de repérer avant de lui ouvrir nos portes !
Il s’agit du détournement de la technologie blockchain au profit de gouvernements de plus en plus intrusifs et autoritaires.
Car si, à l’origine, la blockchain est une initiative libertaire visant à séparer la monnaie et l’État, il s’agit avant tout d’une technologie…
Et comme un pistolet peut servir à défendre les opprimés ou à tuer des innocents, une technologie peut être détournée de l’objectif formulé par ses créateurs.
La Chine en route vers le cryptofascisme
« La blockchain augure un monde où tout peut être tracé et vérifié. Reste à savoir si nous y souscrirons volontairement ou pas » – Edward Snowden
Edward Snowden, le célèbre lanceur d’alerte, a compris avant beaucoup d’autres le potentiel néfaste de la blockchain si elle tombait dans de mauvaises mains.
Or, depuis quelques années, c’est la Chine qui avance de plus en plus vers une forme de techno-dictature sophistiquée. Étant donnée l’importance que prend la blockchain dans son dispositif de surveillance, il serait même concevable de parler de cryptofascisme.
Mais concrètement, qu’en est-il ?
D’abord, sur la question de l’argent : dès 2019, la Banque centrale chinoise affirmait que le passage au yuan numérique était la solution idéale pour faire disparaître définitivement l’argent liquide.
Or, le cash, c’est la liberté.
L’intérêt d’une banque commerciale qui vous permet de tirer de l’argent au distributeur, c’est d’être un intermédiaire entre vous et l’État, qui n’a pas un accès aussi direct qu’il le souhaiterait à vos comptes…
Et surtout, de pouvoir dépenser votre argent sans que quiconque ne soit averti de ce que vous en faites.
Le cash, c’est fongible, ça passe de main en main…
En bref : ça nous offre un espace de liberté. Peu importe que vous n’ayez « rien à cacher ».
Le fait d’utiliser une monnaie numérique émise par une banque centrale (MNBC) comme le yuan numérique, cela change le rapport que vous avez avec votre banque.
Dans une banque commerciale, vous êtes un client, mais si vous utilisez l’argent numérique émis sur un service bancaire d’État… C’est le citoyen qui dépense, pas le client.
Et puisque les MNBC sont conçues sur la blockchain, tout est traçable, rien n’est falsifiable… Or, la blockchain ne sert pas seulement à échanger de l’argent, mais aussi des informations personnelles.
Donc la blockchain d’État peut à la fois savoir qui vous êtes, ce que vous faites, comment vous gagnez votre argent, comment vous le dépensez…
L’étape d’après, c’est de remplacer les murs de votre maison par des vitres.
Xi Jinping a récemment annoncé que tous les services sociaux et administratifs seraient fusionnés en un seul service centralisé, pour « simplifier » la vie des citoyens et le travail des fonctionnaires… ce qui veut dire qu’au même endroit, sans cloisonnement, seront stockées :
– vos informations d’identité et de santé ;
– vos crédits sociaux (la « note » que vous attribue le gouvernement en tant que citoyen ;
– vos comptes bancaires.
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Cas pratique (mais assez effrayant)
Imaginons, vous fumez.
Le gouvernement le sait puisqu’il connaît toutes vos dépenses comme le cash n’existe plus.
D’abord, vous perdez des points de crédit social, car fumer c’est mal… Ensuite, on augmente le prix de vos cotisations santé, voire on refuse de prendre en charge votre bronchopathie, car votre mode de vie vous a conduit là, on le sait, on a les preuves.
Et voilà comment on asservit une nation, avec des registres centralisés et un contrôle total sur vos interactions dans la société.
L’algorithme pire que le gendarme
Vous savez désormais pourquoi les monnaies numériques émises par les banques centrales sont un danger terrible pour la liberté…
Mais à ce stade, il est toujours possible de se dire que les fonctionnaires sont des humains et que devant les pires dérives, certains désobéiront.
Si vous avez déjà été arrêté par les gendarmes pour un excès de vitesse, vous savez à quel point les fortunes sont diverses : certains se montrent aimables et compréhensifs, voire « ferment les yeux » si vous avez des circonstances atténuantes…
D’autres se sentent investis d’une impérieuse mission, celle de vous embêter jusqu’au bout, même si vous donnez les meilleurs gages de bonne volonté.
Au bout du compte, ce sont des humains, il reste donc une marge de négociation.
Le problème, c’est que la blockchain peut fonctionner avec des smart contracts.
En bref, un smart contract est un programme informatique qui exécute automatiquement certaines opérations à partir du moment où certaines conditions sont remplies.
Autre cas pratique pour illustrer : vous roulez à 136 au lieu de 130 pour emmener votre femme enceinte à l’hôpital. Sur la route, un radar vous flashe.
Votre plaque d’immatriculation est lue par la machine, qui vérifie dans la blockchain à qui appartient le véhicule. Votre nom sort.
L’algorithme de traitement va prélever sur votre compte en euros numériques le montant de l’amende, faire sauter 3 points sur votre permis de conduire enregistré sur la blockchain, et si vous êtes en Chine, diminuer votre score de crédit social, car le Parti déteste les chauffards.
Espérons qu’au moins, l’accouchement se passe au mieux…
« Si vous combinez une blockchain d’identification avec une blockchain de paiement, une blockchain de propriété de voiture, une blockchain de suivi de vaccination, etc. Vous vous retrouvez dans une situation où chaque humain et toutes ses actions sont stockées de manière permanente et publique. Les humains sont finalement étiquetés et surveillés comme du bétail. » – Frank Braun, militant crypto-anarchiste
En construisant un système entièrement centralisé, inaltérable et 100 % automatisé, l’humanité est tout bonnement en train de monter sa techno-dictature en kit…
Vous pensez que ça n’arrive qu’en Chine, comme les accidents de voiture qui « n’arrivent qu’aux autres » ?
La « vraie » blockchain à la rescousse
Tout cela sonne un peu scénario catastrophe.
Mais ce qui existe en Chine pourrait bien arriver en Europe : la démocratie n’est jamais qu’un régime donné à un moment donné, pas une constante ni un impératif.
N’oubliez pas que les États les plus technophiles sont souvent impliqués dans la recherche à des fins de contrôle…
En attendant, il y a aussi d’excellentes raisons d’espérer. Car ces scenarii catastrophiques ont tous un point commun : les blockchains d’État, c’est-à-dire des blockchains centralisées, sont sujettes au contrôle et à la censure.
Or, l’esprit de la blockchain, c’est précisément la décentralisation.
Bitcoin ne peut pas être accaparé, censuré ni détruit… Et c’est précisément le péril d’une blockchain totalitaire qui devrait nous pousser à mettre de l’argent sur les blockchains décentralisées, car personne ne peut détruire votre adresse Bitcoin… et cet espace de liberté, à mesure que les institutions s’acharnent à le dénigrer, gagne de la valeur.
Qui est Marc Schneider ?
Marc Schneider est le fondateur d’Argo Éditions, une entreprise d’édition financière et de recherche en investissement. Sa newsletter gratuite réunit chaque semaine plus de 60 000 lecteurs.
Ancien Risk Manager, Marc aide ses lecteurs à comprendre les rouages de l’investissement en bourse et en cryptomonnaies pour prendre en main leur avenir financier.
Sa newsletter traite de sujets variés : nouvelles technologies, cryptomonnaies, psychologie de l’investissement ou encore géopolitique… avec un dénominateur commun : comprendre le monde qui nous entoure pour mieux gérer ses finances.