Raul Magni-Berton et Clara Egger : « Un malentendu autour la souveraineté »
(Re)conquérir notre souveraineté est une idée à la mode depuis un certain temps. Les citoyens veulent légitimement reprendre les rênes de leur destin. Mais plusieurs problèmes se posent… Ballotés par une mondialisation qui s’intensifie, attachés aux lieux où nous passons nos activités quotidiennes et contraints par des organisations internationales auxquels leur pays de résidence sont membres, au premier chef l’Union Européenne. La souveraineté est précisément ce qui nous rend maître de notre destin, et lorsqu’on se dit « souverainiste », c’est exactement cela que l’on vise.
En France, deux élans souverainistes se cachent derrière ce projet. Le premier se focalise sur la « souveraineté nationale » et consiste à vouloir voir son pays souverain, non soumis à la loi d’une puissance étrangère. Ceux qui appellent au « Frexit », par exemple, soutiennent que l’Union Européenne fait les lois à notre place et, de ce fait, a aliéné notre souveraineté. Ils souhaitent ainsi la reprendre. Le second revendique une « souveraineté populaire ». Ce projet cherche à ce que les citoyens d’un pays puissent contrôler directement leur destin, et non le laisser dans les mains de représentants qui décident à leur place. Ceux qui souhaitent un « RICC », le référendum d’initiative citoyenne constituant, sont dans cette optique. Il n’est pas rare de voir les partisans de ces deux projets unir leurs revendications. Mais quand on approfondit un peu les choses, il y a, dans le discours sur la souveraineté nationale, une confusion rédhibitoire pour la qualité du débat public.
Au sens strict, la souveraineté est le droit de décider qui a le droit de décider de quoi. Le souverain n’est pas nécessairement celui qui prend les décisions, mais celui qui décide qui va les prendre. Il peut bien sûr décider d’être celui qui prend l’essentiel des décisions, mais il peut également les déléguer à d’autres de sorte que le souverain pourrait ne garder que le droit de souveraineté et déléguer tout le reste.
Le droit de souveraineté revenait au bon vouloir des rois dans les monarchies absolues. Mais dans les systèmes constitutionnels, ce sont les constitutions qui déterminent « qui a le droit de décider de quoi ». Le souverain est donc celui qui contrôle ce qui est écrit dans la constitution.
En France, le parlement contrôle ce qui est écrit dans la Constitution. Le souverain est donc le Parlement français.
La faute de l’Union européenne ?
Mais alors, lorsque nous entendons que l’Union européenne prive la France de sa souveraineté qu’est-ce que cela veut dire ? Tout d’abord, cette affirmation est fausse. L’Union européenne ne peut en aucun cas imposer quoi que ce soit aux pays membres sans leur assentiment. Ce sont les représentants des États membres qui, en conscience, ont décidé de donner à l’Union européenne des pouvoirs de décision en matière commerciale par exemple. Ces états n’ont pas été contraints à le faire.