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Pourquoi pleure-t-on la mort des artistes ?

mort artiste

Crédits photo : Shutterstock

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« Le jour de la mort de Brassens, j’ai pleuré comme un môme. J’ai vraiment pas honte de la dire. Alors que – c’est curieux – mais le jour de la mort de Tino Rossi, j’ai repris deux fois des moules ».

Cette phrase très drôle de l’immense Pierre Desproges permet de souligner un point : la mort d’un artiste que nous aimons, que nous admirons, peut être l’objet d’une tristesse profonde et sincère. 

Qu’il s’agisse de David Bowie, Robin Williams, Chester Bennington ou Johnny Hallyday dans l’Hexagone, nombreux sont les musiciens ou acteurs à avoir laissé derrière eux une quantité de fans en larmes, traversant en leur départ un véritable deuil. 

Mais pourquoi ? Comment pouvons-nous être aussi émus de la perte d’une personne qui, au fond, ne nous connaissait pas et que nous ne connaissions pas en dehors du prisme de la musique, du cinéma ou de la télévision ? 

Le signe d’intégration sociale

Soyons honnêtes un tant soit peu : sur combien d’artistes avons-nous dédié des hommages au moment de leur mort, quand bien même nous n’en étions pas de grands fans, voire même nous n’en connaissions que très peu le travail ? 

Publier sur les réseaux sociaux pour saluer le travail d’un artiste mort, c’est une sorte de convention, afin d’être accepté et intégré dans un cercle de fans. 

C’est également la preuve d’une connaissance culturelle :  rendre hommage à Prince, c’est montrer que le chanteur et multi-instrumentiste était connu et apprécié… quand bien même la seule chanson que nous connaîtrions serait Purple Rain

De même pour Alan Rickman qui, en dehors de Harry Potter, n’était sans doute pas aussi populaire que d’autres acteurs. 

Le sentiment de proximité

Toute personne qui a été fan de quelque chose ou de quelqu’un comprendra parfaitement qu’aimer un artiste, une activité, un lieu, c’est s’intégrer dans un groupe et avoir le sentiment d’appartenir à une entité. Les fans de Johnny Hallyday, par exemple, sont légion et, à sa mort, c’est une véritable communauté qui s’est créée pour se soutenir.

Car être fan, c’est également avoir l’impression de connaître personnellement la personne : lire ses interviews, acheter des produits dérivés, l’écouter parler de lui et de ses activités… Au fond, le fan entre dans l’intimité (superficielle) de l’artiste, au point de devenir un membre proche de l’entourage. 

Un autre paramètre est également à prendre en compte dans le secteur culturel : l’identification. Quand un personnage souffre dans un film, nous pouvons souffrir avec lui, comprendre sa peine ou, tout simplement, nous identifier car nous avons parcouru le même chemin de vie. 

Quand un musicien pleure la perte de l’être aimé, nous pleurons avec lui ; après tout, qui n’a jamais vécu un chagrin d’amour ? Les mots de la chanson sont alors le reflet de l’état de notre âme et nous avons alors le sentiment que l’artiste vit la même chose que nous, qu’il nous parle et nous connaît assez pour mettre les mots dont nous avons besoin pour panser la peine.

Dès lors, voir mourir un artiste qui nous a tant compris devient un véritable crève-cœur, lui que nous avons connu et aimé pour sa compréhension de notre état, avec lequel nous avons grandi et évolué, d’autant plus quand son art nous a accompagnés pendant des années, voire des décennies. 

Le choc de la mort d’un dieu

Dans notre société actuelle, plus que jamais, nous érigeons en véritables héros ces gens qui s’élèvent (en apparence) au-dessus de nous. Dans les années 50 déjà, nous le voyions avec Elvis, devenu « The King ». Par la suite, Bruce Springsteen est devenu « The Boss », Michael Jackson « The King Of Pop »… C’est bien simple : l’artiste est devenu une véritable divinité, vénérée par ses admirateurs. Aussi, quand elle vient à nous quitter, non seulement elle perd cette déification mais nous ramène également à notre propre condition d’êtres mortels. 

Ce sentiment est d’autant plus fort quand il concerne de jeunes individus. L’accident de Paul Walker, Grace Kelly ou de Lady Di sont des éléments choquants, inattendus, nous rappelant que cela peut arriver à tout le monde.

Dans un autre registre, le suicide est un autre facteur de choc : apprendre la mort de Chester Bennington (chanteur de Linkin Park), Chris Cornell (chanteur de Soundgarden et Audioslave), Avicii ou Robin Williams laisse le spectateur parfaitement impuissant. Quand l’artiste a été d’une aide puissante dans le parcours de vie, son suicide donne le sentiment d’unilatéralité de la relation.

Pour résumer, l’artiste, en venant dans notre salon par sa musique, ses films ou, plus largement, son art, entre dans notre vie. Il occupe dès lors une place privilégiée, tel un nouveau membre dans le cœur de la personne. Aussi, quand elle vient à mourir, elle nous laisse seuls avec la frustration d’envisager qu’il n’y aura plus de nouvelles œuvres. Il n’est donc nullement critiquable de pleurer la mort d’un artiste car telle est sa fonction : toucher notre cœur et devenir une part de nous par son œuvre. 

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