Toujours aussi tranchant, Régis Debray n’a rien perdu de son goût pour la provocation.
Dans un entretien accordé à Marianne le 4 décembre 2025, le philosophe et écrivain de 84 ans, ancien compagnon de route de Che Guevara et figure majeure de la pensée politique française, livre une analyse sans détour sur l’actualité internationale…
… et sur ce qu’il considère comme des “blagues médiatiques”.
« Nous sommes en guerre » : sérieusement ?
Interrogé sur l’hypothèse d’une guerre imminente avec la Russie, Debray balaie la question d’un revers de main : “Encore une blague. En Ukraine, les Russes ont gagné soixante kilomètres en trois ans. À ce train-là, nous envahir leur demanderait un siècle. Ce n’est pas sérieux.” Une phrase qui résume à elle seule la lucidité mordante de celui qui, depuis des décennies, dénonce les emballements politiques et médiatiques.
Mais Debray ne s’arrête pas là. Il poursuit : “Il y a aujourd’hui une escalade parce que la France va mal. Pour qu’il y ait un ‘nous’, il faut qu’il y ait un ‘eux’, donc on décide que la Russie nous envahira demain matin”. En quelques mots, il fustige la mécanique simpliste qui, selon lui, transforme l’angoisse nationale en hystérie géopolitique.
Ce qu’ils ont fait de la France
Ancien haut fonctionnaire, conseiller de François Mitterrand à l’Élysée, penseur du rapport entre culture, médias et pouvoir, Régis Debray voit dans le discours actuel sur la guerre un symptôme d’un mal plus profond : “La lente disparition de l’État en France a provoqué le déclin du politique. Le centre de gravité, c’est devenu l’économie”.
Pour lui, la France s’est muée en “musée”, prisonnière de son patrimoine et déconnectée de la réalité du monde. Une vision sévère mais cohérente avec sa pensée : le politique ne se régénère pas dans la peur ou la morale, mais dans la culture et la souveraineté.
Un propos qui, comme souvent avec Régis Debray, fera grincer des dents…
… mais qu’il résume lui-même à sa manière : “La France est un très beau musée, mais un musée quand même”.



