La France en l’an de grâce 49-3
L’usage du 49-3 de la Constitution a-t-il toujours abouti à des mouvements sociaux ?
Répondons honnêtement et sans aucune forme de tergiversation : non. Depuis quelques années seulement, le 49-3 est devenu un outil éveillant les colères les plus redoutables et les plus tenaces contre ses utilisateurs. Par le passé, la réaction pouvait être bien plus mesurée, l’article fatidique ayant davantage pour but de mettre un terme à un débat parlementaire beaucoup trop long face à une majorité largement acquise au projet soumis. On le voit avec Elisabeth Borne et sa réforme des retraites : ce n’est plus le cas.
Un député de Corrèze, nommé François Hollande, avait résumé cette situation ambiguë dans laquelle pouvait mener le 49-3 quand Dominique de Villepin l’activait alors pour le Contrat première embauche (CPE) le 9 février 2006 : “Le 49-3 est une brutalité, le 49-3 est un déni de démocratie. […] C’est bien le signe que le gouvernement doute de sa réforme et que la mobilisation va prendre de l’ampleur”.
À l’époque, la grogne sur le 49-3 était uniquement parlementaire, les groupes d’opposition perdant leur tribune tout en sachant pertinemment que le vote final permettrait de faire passer le texte. En effet, le Premier ministre disposait alors d’une majorité solide et l’utilisation du 49-3 était seulement faite pour gagner du temps.
De plus, depuis 1958, seuls cinq Premiers ministres n’ont pas eu à utiliser “l’arme nucléaire législative”[1] : Lionel Jospin, pourtant l’un des ministres les plus connus pour sa longévité en poste, François Fillon, Jean-Marc Ayrault, Bernard Cazeneuve et Jean Castex.
Alors, que s’est-il passé ? Comment cette situation explosive a pu se reproduire si souvent à cause d’un simple article de loi cristallisant alors toutes les hostilités, article de loi existant, il faut le rappeler, depuis la création de la Constitution en 1958 ? Vous le verrez : si Elisabeth Borne n’est sûrement pas la première et ne sera probablement pas la dernière à faire appel au 49-3, il revêt un nouveau visage sous le gouvernement actuel.
De l’accélération à l’interdiction du débat
Elisabeth Borne a définitivement marqué l’histoire de la Vème République : en enclenchant le 49-3 pour passer en force sur la réforme de la retraite, elle a, dans le même temps, fêté la centième utilisation de cet article. Et, pour le moment, elle est sur la deuxième marche du podium : si elle l’a utilisé 11 fois depuis son arrivée en poste, elle est toujours derrière le champion Michel Rocard et ses 28 recours. Mais “tatie Vapote” n’a pas dit son dernier mot : elle reste encore et toujours en poste. Rien ne nous garantit qu’elle ne dépassera pas ce funeste record…
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Cet article est issu du numéro 17 de Juste Mensuel.
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