Clara Egger et Raul Magni-Berton : « Changer les règles du jeu politique : gare à la tentation du Nirvana »
Cet article intéressera ceux qui, écœurés par la tendance à l’autoritarisme qu’ils observent en France, rêvent d’une constituante, peut-être exclusivement composée de citoyens et chargée de proposer une nouvelle Constitution où l’abus de pouvoir n’existerait plus. C’est un beau rêve, mais une mauvaise idée. Les évènements récents qui ont eu lieu au Chili montrent ce qui pourrait probablement se passer si on avait une telle procédure en France. Contre ce rêve d’une Constitution idéale, qui vise à atteindre le Nirvana, il y a bien mieux. C’est ce que font les Uruguayens par exemple. Ils permettent à leurs citoyens de réparer peu à peu leur Constitution au fur et à mesure que des abus ou des dysfonctionnements apparaissent. Aujourd’hui, le Chili sombre dans les conflits politiques et sociaux, alors que l’Uruguay est plus que jamais le pays le plus stable et prospère d’Amérique latine.
Dans un mouvement qui rappellera celui initié par les Gilets Jaunes, les Chiliens rejoignent la rue en octobre 2019 contre l’augmentation des prix de différents services publics dans un contexte de forte inégalités sociales. En 2018, le Chili caracole en tête des pays les plus inégalitaires après l’Afrique du Sud et le Costa Rica. Si les classes populaires et moyennes survivent avec des faibles salaires, les 1 % les plus riches du pays gagnent chaque année entre un quart et un tiers des revenus. Cette situation s’explique par le fait que la minorité la plus riche contrôle, depuis le régime dictatorial de Pinochet, les règles du jeu politique. La Constitution chilienne est l’une des rares à donner un droit de propriété privée sur l’eau.