Emmanuel Macron, quelle légitimité ?
« Quand on croit à cet ordre démocratique et républicain, l’émeute ne l’emporte pas sur les représentants du peuple et la foule n’a pas la légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus. Il faut le rappeler. »
Ce sont les mots du monarque start-uppeur le jour du 21 mars 2023, qui a péniblement tenté d’articuler les notions de foule et de peuple afin de désamorcer une colère sociale et populaire dont il ne maîtrise intellectuellement pas la portée et la profondeur. Mais le Président de la République élu pour un second mandat le 24 avril 2022, l’a été avec 38,5 % des inscrits sur les listes électorales dans une énième rhétorique de « front républicain » visant à écarter Marine Le Pen de la fonction suprême.
D’ailleurs, on notera avec une certaine malice que la plupart des articles de presse relatant cette réélection du 24 avril 2022 ont repris uniquement et pour beaucoup les suffrages exprimés des Français se gardant bien de préciser les suffrages sur la base des inscrits. Ainsi, on pouvait lire partout qu’Emmanuel Macron avait été élu par 58,5 % des votants contre 41,5 % pour Marine Le Pen. Instinctivement, la majorité semble se retrouver largement atteinte et la légitimité subjective s’impose à tous, n’ayant alors aucune raison d’être interrogée.
Pourtant, et de manière factuelle, près de 60 % des électeurs inscrits n’ont pas accordé leur suffrage à Emmanuel Macron pour ce second mandat. Et dans son discours de réélection sur le Champ-de-Mars qui a suivi son entrée sur l’hymne européen (ce qui n’augurait rien de bon en terme d’indépendance nationale à laquelle est tenu le Président de la République), il s’est empressé de donner des gages aux Français en expliquant que ce suffrage « l’obligeait pour les années à venir ». Mais il n’en fut rien pendant les semaines et les mois qui suivirent puisque les seules obligations que respectent religieusement Emmanuel Macron sont les « recommandations bruxelloises » en matière de réformes structurelles et la voracité exercée sur la France par les marchés financiers et les fonds d’investissement comme BlackRock.
Fort de cette légitimité précaire, Emmanuel Macron n’a pas hésité avec des arguties douteuses à remettre en cause la légitimité populaire renvoyant celle-ci aux représentants du peuple qu’il a allègrement piétiné avec, d’une part, le 49-3 pour passer en force et, d’autre part, le 47-1 pour encadrer les débats parlementaires.
Il ne faut pas oublier qu’en juin 2022, les Français ont envoyé à l’Assemblée une majorité plus que relative au Chef de l’Etat, ce qui aurait dû l’alerter sur l’avertissement politique que le peuple lui avait signifié de façon claire dans les urnes. Mais il s’en est moqué comme d’une guigne… On peut donc parler d’un coup de force démocratique qui a transformé le peuple en une foule pleine de colère qui n’a plus aujourd’hui que la rue pour se faire entendre, puisque le monarque s’est exonéré d’analyser cette gifle électorale en poursuivant sa funeste liquidation sociale.
Appréhender la constitution d’un peuple est une entreprise difficile, un cheminement glissant et incertain. Les enquêtes d’opinion le sont tout autant. En l’espèce, il est très délicat de se prévaloir d’une connaissance précise de ces grandes fosses populaires. Néanmoins, l’observation et l’immersion peuvent être des alliés précieux pour cartographier une anatomie en perpétuel changement.
Et c’est ce à quoi j’ai assisté depuis 2017 avec cette mutation importante au sein de ce peuple.