Inflation : l’escroquerie statistique
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La vie est un jeu de dupes, on le sait. Mais ce n’est pas pour autant qu’on accepte d’être traité comme un abruti.
Les chiffres de l’inflation en zone euro sont sortis, pour le mois d’août. Ça fait mal.
9,1 % pour toute la zone, avec des écarts considérables : 25 % en Estonie et… 6,5 % en France.
La France s’en sort moins mal que le reste de l’Europe.
Mais pourquoi ?
À vrai dire, l’explication combine des raisons réelles et des tours de passe-passe.
Les raisons réelles, c’est par exemple le poids des dépenses en carburant et en nourriture dans les dépenses des ménages.
Comme ces deux postes de dépense sont les plus touchés par l’inflation, plus un ménage y dépense un pourcentage élevé de son revenu, plus celui-ci est frappé par l’inflation. Jusqu’ici c’est logique.
Ainsi les ménages baltes qui dépensent plus de 30 % de leurs revenus sur ces postes sont plus touchés qu’en Europe de l’Ouest, où la part des dépenses en nourriture et carburant est plus faible.
Ajoutons à cela le mix énergétique : aujourd’hui, plus vous dépendez du gaz russe, plus vous êtes dans la panade.
C’est pourquoi les pays baltes (encore eux), mais aussi l’Allemagne ou l’Autriche souffrent d’une plus forte inflation qu’en France, où la filière nucléaire nous permet de conserver une maîtrise (toute relative) sur le prix de notre énergie.
Vous comprenez du même coup pourquoi la « maintenance » de la moitié de notre parc nucléaire est aussi malvenue : on pourrait (devrait) beaucoup mieux s’en sortir !
Toutes ces raisons sont valables : ce sont des questions de mode de vie et d’infrastructures.
Mais parmi les raisons évoquées, on parle aussi beaucoup des boucliers tarifaires mis en place par la France sur les prix de l’énergie.
Dans les faits, c’est juste.
Mais on finira par le payer… et diminuer l’inflation pour augmenter les impôts derrière, on ne peut pas dire que ça soit exactement « résister » à l’inflation, c’est déplacer le problème.
Ici, vous avez une vue d’ensemble, basique, sur les causes de ces disparités d’inflation en zone euro.
Je pourrais m’arrêter là, et ma lettre aurait toute sa place dans un média économique mainstream.
Mais il y a autre chose.
Quelque chose dont on parle beaucoup moins.
Les petits mensonges sur l’inflation qui rendent tous ces chiffres incohérents, absurdes… et, in fine, complètement faux.
C’est le problème quand on commence à creuser un sujet : on réalise à quel point ce qu’on nous raconte est, au mieux, caricatural… et au pire une manipulation.
Accrochez-vous, je vous explique pourquoi le calcul de l’inflation fausse la donne.
Immobilier et technologies : à quoi joue l’INSEE ?
En France, c’est l’INSEE qui calcule l’inflation. On la définit par une perte du pouvoir d’achat de la monnaie, qui entraîne une hausse générale des prix. On la mesure avec l’IPC, l’indice des prix à la consommation.
Or, dans l’IPC, les biens immobiliers ne sont pas comptés.
Votre loyer est compté, si vous êtes locataire. Mais les loyers sont encadrés par l’État, donc ils n’indiquent rien de l’inflation. Si vous achetez votre maison ou votre appartement, l’État considère que vous faites un investissement. Or un investissement, ça n’est pas de la consommation.
Je trouve ça hallucinant, dans le sens où l’accès à la propriété est une aspiration largement partagée et somme toute normale dans notre pays : considérer qu’acheter son lieu de vie est un investissement me semble un très mauvais signal pour l’avenir… mais j’y reviendrai dans un autre message, ça n’est pas notre sujet.
Parlons d’un autre tour de passe-passe statistique : la technologie.
Mon message tombe à pic car on vient d’annoncer la sortie de l’iPhone 14, avec aucun modèle en-dessous de 1000 €… Mais on ne va pas calculer l’inflation sur les biens technologiques comme ailleurs.
En fait, imaginons que vous ayez dépensé 500 € pour vous acheter un téléphone en 2018.
Si vous dépensez 500 € dans un téléphone aujourd’hui, même un peu moins haut de gamme… tant qu’il est plus récent, l’INSEE va considérer que vous avez payé moins cher pour une technologie supérieure, donc que le prix a baissé.
C’est l’effet progrès technique, une belle arnaque pour manipuler les chiffres de l’inflation.
Surtout qu’avec la prolifération de biens technologiques et leur part dans nos dépenses, pouvoir ajuster leur impact revient à positionner le curseur de l’inflation comme on veut, selon le message qu’on veut renvoyer.
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Pondération, substitution : on vous prend pour des ânes
Les biais méthodologiques de l’INSEE sont déjà étonnants à ce stade, mais attention ce n’est pas fini.
Car la statistique, comme disait mon professeur de mathématiques au collège, c’est comme les bikinis : on trouve ça bien, mais ça cache l’essentiel.
Et l’essentiel, c’est aussi ce que décident les consommateurs face à l’inflation.
Je vous explique : si vous adorez la viande, vous en mangerez souvent (selon vos moyens).
Si les prix montent, vous en achèterez moins souvent.
Et si tout le monde fait comme vous, la France consommera moins de viande à cause des prix qui explosent.
Mais dans ce cas… L’INSEE va diminuer l’impact du bien de consommation « viande » dans son calcul.
Parce que les gens en consomment moins, donc c’est « moins important ». Vous voyez le biais ÉNORME ?
Cela signifie que plus un bien devient inaccessible à cause de son prix qui explose, moins il est pris en compte dans le calcul de l’inflation.
Contresens flagrant.
Mais ce n’est pas tout : si vous remplacez la viande que vous aimez (mettons, du cheval) par une viande moins chère (mettons, du porc) parce que vous ne pouvez plus vous permettre de manger du cheval…
L’INSEE peut considérer que votre pouvoir d’achat augmente, car elle ne tisse pas de lien de causalité entre le changement de vos habitudes alimentaires et la hausse des prix.
Ne regardez pas les chiffres à la télé. Regardez votre ticket de caisse
Vous comprenez pourquoi je n’ai pas envie de tirer un feu d’artifice parce que la France est moins touchée que ses voisins par l’inflation…
Tout ça est un jeu de dupes. De la com’.
L’important, ça n’est pas ce présentateur zélé qui vous explique que la stratégie française paie.
L’important, c’est que vous ayez assez pour vous nourrir, vous chauffer, vous nourrir… et vous faire plaisir, aussi.
Ce ne sont pas les chiffres à la télé qui compte, c’est votre ticket de caisse.
Je vous parle régulièrement d’observation du réel, car dans un monde où la mauvaise foi est omniprésente, la valeur des données empiriques est d’autant plus grande : le réel ne se truque pas, lui.
Je pourrais continuer à exposer les petites combines de l’INSEE, car il y en a d’autres. Par exemple la pondération sous-estimée des dépenses liées au transport, au logement et à l’alimentation… Ce qu’on appelle « l’inflation des pauvres ».
Mais vous avez compris l’essentiel.
La question désormais, c’est « que peut-on faire ? ».
L’Europe va mal, l’Euro c’est pire.
Qui est Marc Schneider ?
Marc Schneider est le fondateur d’Argo Éditions, une entreprise d’édition financière et de recherche en investissement. Sa newsletter gratuite réunit chaque semaine plus de 60 000 lecteurs.
Ancien Risk Manager, Marc aide ses lecteurs à comprendre les rouages de l’investissement en bourse et en cryptomonnaies pour prendre en main leur avenir financier.
Sa newsletter traite de sujets variés : nouvelles technologies, cryptomonnaies, psychologie de l’investissement ou encore géopolitique… avec un dénominateur commun : comprendre le monde qui nous entoure pour mieux gérer ses finances.